La place vide : Un symbole d’amour et d’espoir

Il y a une place vide sur le canapé.
Il y a une place vide dans ce grand espace.

D’un côté, il y a Momo.
De l’autre, il y a Pucci.
Et moi, je suis au milieu.

Et pourtant,
il y a une place vide : la tienne.

L’absence de ton être manque.
Tu remplis l’espace,
l’esprit,
le cœur.
Tu es.

On regarde la porte.
On regarde la fenêtre.

On espère te voir surgir soudain,
plutôt que de t’imaginer allongée sur ce lit,
dans un hôpital stérile,
incapable de te donner notre chaleur —
celle dont tu aurais tellement besoin,
maintenant.

Tu reviendras peut-être en morceaux.
Avec de nouvelles fissures,
des fautes mal recousues,
et des silences plus larges que tes poches.

Pas besoin d’excuses.
Ni de fleurs. Ni d’explications.
Si tu reviens, il me suffit que tu t’assoies.
Même en silence. Même de travers. Même pour un instant.

Et si tu ne reviens pas ?
Je t’aimerai quand même.
À distance. En absence. En différé.

Parfois, l’amour, c’est ça :
pas un pont,
mais une chaise laissée là
pour celle qui, un jour,
pourrait avoir froid.

Lettre à ma fille : un appel à la vie

à ma fille – pour Néa

Je te vois.
Avec ces yeux qui parfois veulent disparaître,
baissés, fatigués,
comme si regarder le monde faisait trop mal.

Je te vois là, entre deux mondes.
Entre le plus jamais et le pas encore,
dans ce silence suspendu
de celles qui retiennent leur souffle,
en espérant que la faim passe,
que la chair s’efface,
que l’âme suffise.

Et je sais.
Car moi aussi, j’y suis passée.
Moi aussi, j’ai cru que me vider
me rendrait plus vraie,
plus légère,
plus digne.

Mais mon amour,
l’âme a besoin d’un abri.
Et cet abri, c’est toi.
Avec ton sang,
avec ta chair,
avec tes mains qui tremblent
et ta voix qui dit « stop ».

Je t’aimerai toujours.
Toujours.
Même si tu restes fermée,
même si tu t’arrêtes,
même si tu choisis de ne pas te montrer.

Mais mon amour ne suffit pas
à te garder en vie.
Si tu ne manges pas,
le « toujours » s’use,
et risque de devenir « jamais ».

Moi, je veux que tu sois toujours.
Pas une ombre.
Pas un souvenir.
Pas un écho.

Que tu sois chair,
et voix,
et corps en marche.
Que tu restes.
Même si c’est juste pour dire :
« Aujourd’hui je n’y arrive pas. Mais peut-être demain. »

Et moi, je serai là.
Non pas pour te faire fleurir maintenant,
mais pour attendre ce jour-là.

Celui où, sans hâte,
tu déboucheras la bouteille
où tu as enfermé ton âme.

Et tu la laisseras danser.

Le Retour Impossible : Néa Entre Désespoir et Famille

Néa avait décidé de me blesser.
Elle avait choisi son père. Elle avait choisi Berlin.
Elle avait choisi de vivre loin de moi.
Et quand elle est partie, elle m’a à peine regardée.
Le trop d’amour, la déception, transformés en colère, puis en haine.
Une haine silencieuse, glacée, qui disait : “Tu m’as déçue, alors je t’efface.”
Mais moi, je l’aimais.
Et elle souffrait. Elle souffrait tellement qu’elle a commencé à se blesser.
Petites coupures. Partout.
Des cris muets sur la peau.
Mais personne n’écoutait. Ni son père. Ni sa compagne.
Alors elle m’a appelée.
Elle m’a dit : “Je me fais du mal.”

Je n’ai pas hésité :

“Rentre à la maison. Je suis là. Je vais t’aider, mon amour.”

Elle est revenue en France. C’était en 2022.
Et là, l’enfer a commencé.
Elle était instable. Elle ne supportait plus l’école. Elle voulait toute mon attention.
Mais ce n’était pas sa faute. Ce n’était la faute de personne.
On était juste deux âmes fatiguées, épuisées par une douleur trop grande pour nous. Et c’était moi, l’adulte, qui n’arrivais plus à tenir.
Je ne pouvais pas me dédoubler.
J’étais seule. Trois cœurs à porter : Bruno, son grand frère, Linda, sa petite sœur, et elle.
Et chacun voulait être le seul.
Je faisais de mon mieux.
Mais c’était mon pire.

Je l’ai accompagnée à chaque rendez-vous au RéseDa.
Psychologues, psychiatres, éducateurs.
Mais la douleur ne passait pas.
Elle voulait exister autrement.
Alors elle a avalé mes comprimés. Mon alprazolam.
Tentative de suicide. Premier internement.
Long. Douloureux.

Mais on parlait chaque soir.
Elle me parlait de son père, de sa peur.
Elle disait qu’elle s’était sentie violée. Pas physiquement, mais psychiquement.
Assez pour se sentir brisée.
Assez pour se couper.
Et pourtant, elle s’ouvrait. Elle se faisait des amis.
Je lui apportais à manger, des écouteurs, des livres, tout ce qu’elle demandait.
Je prenais le bus. Je marchais. Quarante kilomètres pour un sourire.
Elle allait mieux.
On était proches, complices.
Puis elle est sortie.

Mais ce n’était pas fini.
Deuxième hospitalisation. Plus longue.
Ils l’ont laissée sortir en disant que tout allait bien.
Qu’elle continuerait les soins à la maison.

Et c’est là qu’elle a voulu partir.
Vacances à Palerme. Chez son grand-père. Une semaine.
J’ai accepté, à condition qu’elle parte avec Bruno et Linda.
Les médecins étaient d’accord.
“Ça lui fera du bien.”

Je me suis assurée que tout serait sous contrôle.
J’ai dit à mon père : “Cache les médicaments. Enlève les couteaux. Sois vigilant.”

Mais il n’a rien fait.
Il a décidé que tout était de notre faute, à moi et à mon ex-mari.
Il a décidé qu’il serait meilleur parent.
Alors il l’a gardée.


Et là, j’ai su que j’avais perdu le contrôle.
Peut-être que j’aurais dû prendre le premier vol, venir la chercher, l’arracher à ce piège.
Peut-être que tout aurait été différent.

Mais ce n’est pas ce que j’ai fait.
Et c’est là que la machine a commencé à nous broyer.