Cédée : La lutte d’une mère pour ses enfants

Je m’appelle Cédée et j’ai trois enfants.
Mais je ne suis pas seulement mère.
Même s’ils ont voulu que je le sois.
Seulement ça. Rien d’autre.

Ils m’ont dit d’entrer en communauté.
C’était ça ou être séparés.
Moi d’un côté.
Eux de l’autre.

Mais c’était pas la bonne communauté.
C’était la seule place.
À Palerme.
Pour femmes battues.

Et nous, on n’avait pas été battus.
Pas comme ça.
Mais ça, ils s’en foutaient.

Alors ils ont dit :
“Tu entres.”
“Ou tu perds tes enfants.”

Ce jour-là, on m’a appelée au tribunal.
On m’a dit de venir avec mes enfants.
Mais à l’entrée, un agent m’a dit :
“Vous entrez seule. Eux restent dehors.”

Pas mes enfants.
Pas cette fois.

Au début, des questions normales.
Comme d’habitude.
Moi, je répondais.
J’attendais le juge, comme ils m’avaient dit.

Mais cette fois, non.
C’était pas une attente.
C’était un piège.

Une femme m’attendait. Une commissaire.
Elle parlait fort. Trop vite. Trop près.
Elle répétait sans arrêt :
“Inutile de mentir ! On sait tout !”
“Ammettilo !” (Avoue-le !)
Comme si j’étais une coupable.
Comme si j’avais avoué quelque chose.

Ils ont dit que j’étais instable.
Que j’avais parlé de suicide.
Oui, jeune.
Mais pas maintenant.
Pas comme ça.

Ils ont dit que ma fille m’imitait.
Qu’elle allait tomber avec moi.
Ils ont dit que j’étais un danger.
Un poids.
Un risque.

Je parlais.
Je me défendais.
Je disais qu’on vivait en France.
Qu’on partait.
Que tout était prêt.

Mais c’était déjà fait.
Ils avaient décidé.

Ma fille Gaia
elle irait ailleurs.
Pas avec moi.
Pas avec les autres.

Une autre communauté.
Pour mineurs.
Pour elle seule.
Sans moi.

Et moi,
je pouvais choisir.

Rester dehors.
Ou entrer.
Dans leur système.
Avec les deux autres.

Mais en vrai,
il n’y avait pas de choix.
Juste céder.

Alors j’ai dit oui.
Sans comprendre.
Sans savoir où j’allais.
Sans savoir que je disparaissais.

Ils m’ont enregistrée comme CD.
Deux lettres.
Un code.
Un numéro.

Mais en français,
ça se lit CÉDÉE.

Et moi, je l’ai entendu.
Tout de suite.
Cédée.
Livrée.
Donnée.
Éteinte.

Et c’est resté.
Même après avoir dit mon nom.
Même après l’avoir répété.
Il s’est perdu, ce nom-là.

Et moi,
je suis devenue
Cédée.

Introduction

Ce blog n’est pas celui d’une femme au foyer.

Le mot foyer ici n’évoque ni le confort d’un intérieur ni le choix d’une vie familiale tranquille.
Il s’agit d’un foyer d’accueil, une communauté pour femmes victimes de violences, dans laquelle une mère française a été envoyée avec ses enfants.
Pas coupable. Pas prévenue. Pas informée. Juste placée. Juste « Cédée » (CD).
Dans un pays étranger, sans explication claire, au milieu d’un chaos administratif, judiciaire et humain.

Ce journal raconte cette dérive.
Jour après jour, dans une chambre partagée initialement avec trois inconnus, une mère tente désespérément de comprendre pourquoi elle est là, ce qu’on lui reproche, et comment sortir de cette situation avec tous ses enfants, car au moins une chose lui est claire : on ne veut pas seulement lui prendre Néa, on veut les lui enlever tous.

C’est une histoire vraie, mais aussi un récit à lire comme un roman.
Avec des personnages réels, du suspense, et une seule envie pour vous, lecteur : comprendre comment cela a pu arriver, et surtout, comment cela va se terminer.

Bienvenue dans ce journal.
Bienvenue dans le flou, le silence, et l’absurde.