
à ma fille – pour Néa
Je te vois.
Avec ces yeux qui parfois veulent disparaître,
baissés, fatigués,
comme si regarder le monde faisait trop mal.
Je te vois là, entre deux mondes.
Entre le plus jamais et le pas encore,
dans ce silence suspendu
de celles qui retiennent leur souffle,
en espérant que la faim passe,
que la chair s’efface,
que l’âme suffise.
Et je sais.
Car moi aussi, j’y suis passée.
Moi aussi, j’ai cru que me vider
me rendrait plus vraie,
plus légère,
plus digne.
Mais mon amour,
l’âme a besoin d’un abri.
Et cet abri, c’est toi.
Avec ton sang,
avec ta chair,
avec tes mains qui tremblent
et ta voix qui dit « stop ».
Je t’aimerai toujours.
Toujours.
Même si tu restes fermée,
même si tu t’arrêtes,
même si tu choisis de ne pas te montrer.
Mais mon amour ne suffit pas
à te garder en vie.
Si tu ne manges pas,
le « toujours » s’use,
et risque de devenir « jamais ».
Moi, je veux que tu sois toujours.
Pas une ombre.
Pas un souvenir.
Pas un écho.
Que tu sois chair,
et voix,
et corps en marche.
Que tu restes.
Même si c’est juste pour dire :
« Aujourd’hui je n’y arrive pas. Mais peut-être demain. »
Et moi, je serai là.
Non pas pour te faire fleurir maintenant,
mais pour attendre ce jour-là.
Celui où, sans hâte,
tu déboucheras la bouteille
où tu as enfermé ton âme.
Et tu la laisseras danser.
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