
Être mère — on le sait — est un travail terriblement difficile.
Ce n’est pas comme être cheffe du gouvernement : c’est pire. Bien pire.
La cheffe du gouvernement est entourée d’un cabinet d’expert·e·s qui l’aident, lui soufflent quoi dire, comment le dire, avec quelle expression, à quel moment parler et quand se taire.
Les mères, non.
Les mères le deviennent du jour au lendemain, et tout ce qu’elles savent, elles l’ont absorbé par osmose : à travers les films, les tantes, les mères des amies, ou ce qu’il reste de la leur.
Peut-être qu’elles ont idéalisé la mère sévère : “elle faisait ce qu’il fallait”.
Ou bien la permissive : “elle, au moins, c’était pas comme la mienne.”
Mais ensuite, la vérité arrive.
Et la vérité, c’est que nous sommes toutes fautives.
Sachez-le.
Ne vous illusionnez pas à l’idée de faire un travail parfait, parce que — souvenez-vous bien — la faute est TOUJOURS celle des parents.
Et si tu es dans un foyer pour femmes victimes de violence, si tu es à Palerme et en plus étrangère, la faute est doublement tienne.
C’est ta faute pour le Juge, pour les assistant·e·s sociaux·ales, pour les psychologues, pour quiconque t’observe de loin en jugeant selon son petit modèle mental de la “bonne mère”, celle qu’on leur a décrite dans les livres à la fac.
Quelle en est la conséquence ? Facile.
Le jour du Tribunal arrive.
Quelques heures à se demander comment s’habiller pour “avoir l’air assez mère”.
Récapitulatif mental de toute l’histoire.
Mais le Juge n’est plus celui que j’avais étudié.
J’avais tout lu : sa jurisprudence, ses phrases, ses attitudes.
Remplacé. Une autre.
Juge honoraire. Psychologue.
Du genre à écouter les enfants mais qui décide aussi du sort des parents.
Sans être juge véritable, mais assez pour changer une vie.
Et puis, le plus beau. Je revois enfin ma Néa.
Ma joie, mon amour, qu’est-ce que tu es belle. Qu’est-ce que tu brilles !
Je la vois arriver.
Elle est au bras d’une femme plus âgée que moi, ridée et renfrognée.
Son regard, plein de jugement, me tombe dessus comme une lame.
Il me transperce de part en part.
Je rougis.
La colère me monte à la poitrine comme un engin mal désamorcé.
J’ai envie de hurler :
«Oh, Ma cu minchia si ??! Lâche ma fille ! C’est avec moi qu’elle doit être, pas avec toi ! » [trad. « Mais t’es qui, bordel ? Tu vaux rien, va »]
Mais mon avocate — une femme formidable, peut-être encore un peu trop jeune pour le chaos qui s’annonce — s’approche et me murmure avec douceur mais fermeté :
« Madame, ne faites pas ça. Ce serait pire.
Il faut se montrer tolérante, pas en colère.
Surtout : pas d’accusations, pas de “je veux partir”.
Vous êtes ici, et vous devez rester avec vos enfants. D’accord ? »
D’accord.
Qu’est-ce que je peux faire d’autre ?
J’ai peur, tellement peur, mais je le fais. Je dois le faire.
On ne me laisse pas prendre ma petite perdue dans les bras.
Je n’en ai pas le droit, me dit-on.
Elle entre la première.
Elle parle avec la juge honoraire, la psychologue.
Celle qui écoute.
Mais qui décide.
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le bon d’être père
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Bonjour Rachid,
Merci d’avoir pris le temps de commenter.
Mais dis-moi : qu’est-ce que cela signifie, pour toi, être un bon père ?
Quelle est, selon toi, la véritable épreuve dans ce rôle ?
Je t’interroge sincèrement, parce qu’à ce jour — et je pèse mes mots — je ne connais qu’un seul “bon père”, un seul, perdu dans un océan de pères, mais pas bons.
Alors aide-moi à comprendre mieux, si tu veux bien.
Camilla
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