L’homme à la fenêtre

À la fenêtre en face de la cuisine, il y avait souvent un homme d’une trentaine d’années.
Je ne le voyais pas bien, mais je captais son sourire.
Les filles de la communauté devenaient folles en le voyant.
Excitées comme des chattes en chaleur.

Moi, il m’était transparent.
Vraiment, il ne me transmettait rien, au mieux une forme de tendresse maternelle.
Je pensais même qu’il était peut-être gay, parce qu’il vivait avec un autre garçon et, de temps en temps, une femme mûre apparaissait à sa place à la fenêtre.
Cet homme restait là à faire la vaisselle, et il était le fantasme érotique de toutes les filles de la communauté.

Son regard n’était pas fuyant.
Il était malicieux.


Et c’est justement là que j’ai commencé à me demander comment c’était possible.
On m’a toujours considérée comme… excessivement intéressée par le sexe, par les hommes – et pourquoi pas ? – aussi par les femmes.
Je me disais :

« Je ne suis pas sexiste. Homme ou femme, tant que la personne me plaît et que je me sens bien. »

Alors, qu’est-ce qui se passait avec mon corps ?

Pourquoi cet homme – capable de ressusciter même les mortes – ne me faisait ni chaud ni froid ?

Je me suis demandé si c’était juste une question de goûts, ou si quelque chose de plus profond était en train de changer en moi.


Je suis en train de vieillir ?
C’est les cinquante ans qui arrivent ?
Qu’est-ce qui m’arrive ?

Les dernières semaines avaient été une suite d’émotions fortes.
Trop fortes. L’une après l’autre.

J’ai pensé que mon esprit cherchait à couvrir les « erreurs » et les douleurs de l’âme.

Et puis j’ai repensé à ça.

Les urgences psychiatriques.
Le traitement que je devais suivre pour ne pas mécontenter le juge.


C’était peut-être ces médicaments qui éteignaient mon désir et mes excès ?
Ou bien était-ce la communauté, qui déjà, après seulement quinze jours passés là-dedans, réécrivait ma nature, mon code ?

Putain, merde alors !
Je dois prendre les médicaments, parce qu’ils ont dit que sinon, le juge penserait que je ne coopère pas.
Mais je ne peux pas partir et laisser mes enfants !
Ils diraient que je les ai abandonnés !
Ils diraient que je m’intéresse plus à moi-même qu’à eux !

Mais ai-je vraiment besoin de ces putains de médicaments ?
Et de rester enfermée ici ?
Anéantir celle que je suis – le sturm und drang –, m’adoucir, ne plus ressentir d’émotions ?

C’est vraiment ça, être mère, comme ils l’entendent ?


En savoir plus sur Étrangère dans un foyer – journal d’une mère française

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire