Le Grand-Père : L’Héritage d’un Père Violent raconté

Il s’appelait — peu importe. Dans ce blog, je l’appellerai le grand-père.
Parce qu’il est devenu ça : un rôle abstrait, sans prénom, sans affection.
Ce chapitre lui est consacré. Pas pour lui rendre hommage, mais pour refermer une plaie.

Il avait les yeux injectés de sang, la rage, la haine s’inscrivaient dans chaque micro-expression, chaque ride. Et pourtant, j’avais seulement fait tomber quelques gouttes de thé par terre.

C’était mon petit-déjeuner, toujours le même : le thé chaud, quatre biscottes. J’aimais celles sans protéines, toutes blanches, qui devenaient de la colle sans s’effriter comme les normales.

J’ai entendu ses pas dans le couloir, trop rapides. Il cherchait une excuse pour me punir avant même que j’aie commis mon crime. À son arrivée, il n’a trouvé qu’une confirmation : une goutte de thé glissée de la cuillère…

Je n’ai pas eu le temps de me protéger : j’étais déjà face contre le sol. Il avait décidé de nettoyer la goutte avec mon visage.

« Lèche-la ! Au moins tu serviras à quelque chose ! » hurlait-il. Il ne savait faire que hurler.

J’ai dû dire quelque chose, je ne me souviens plus. Je l’ai sûrement dit, parce que je ne me taisais jamais, je ne pouvais pas. Je l’ai dit, parce que je me suis retrouvée soulevée, écrasée contre le frigo.

C’est le souvenir le plus vif que j’aie. Je ne l’ai plus jamais laissé me toucher après ça. Mais il a toujours su comment me punir, comment me faire mal, toujours pour des bêtises.

Je n’ai plus rien voulu de Palerme, ni de ce nom, ni de cette généalogie à graver sur des cartes d’identité
(mais quelle identité ? L’identité, on la construit ; ce n’est pas un morceau de carton).

Je ne porte pas Palerme dans le cœur, mais je ne ressens même pas de rancune. Le néant, le vide, le non-être — c’est-à-dire : cela n’existe pas. Cela n’existe que comme un point marqué sur une carte,
que les agences de voyage vendent pour la mer, le soleil, les « gens sympas », la Vucciria et Ballarò.

Une immense quantité de trésors culturels, des mosaïques en or, des voix et des chants anciens,
le bruit des vagues qui se brisent sur les rochers.

Quel gâchis.

Je garde le souvenir. J’essaie de ne retenir que le bon.
Malheureusement, sa présence a marqué mon existence.

Et aujourd’hui, pour moi, il n’est que « le grand-père ».
Il ne mérite même pas un nom — ni vrai, ni inventé.


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